[Skyline de Barcelone] #9 La tour de Jean Nouvel

Véritable icône de l’horizon barcelonais, la tour Jean Nouvel ou tour Glòries, anciennement Agbar, est une œuvre d’architecture qui ne laisse personne indifférent : certains l’admirent, d’autres la trouve honteuse et son histoire est quelque peu chaotique.

Située à l’entrée du 22@, ce nouveau quartier technologique du district de Poblenou, le gratte-ciel qui s’élève à 142 m au-dessus du sol est le 3e édifice le plus haut de la capitale catalane après l’Hotel Arts et la Torre Mapfre.

Inaugurée officiellement par le roi en 2005, le projet de la tour Jean Nouvel s’inscrit dans la lignée des villes du sud-est asiatique ou des pays du Golfe qui veulent « iconiser » leur ville à travers un édifice signé par un grand architecte. À Barcelone, la modernité s’exprimera à travers ce projet, confié à l’architecte français Jean Nouvel et au cabinet B720, auteur du notamment du Louvre d’Abou Dhabi, du Musée du Qatar à Doha ou la Fàbrica Moritz à Barcelone.

Pour Barcelone, Jean Nouvel choisit une forme presque cylindrique (phallique diront la plupart des observateurs) étrangement similaire au Gherkin de Londres (le « cornichon »), édifié par Norman Foster. Faut-il y voir un clin d’œil ?

La tour Jean Nouvel abrite plus de 30 000 m² de bureaux, répartis sur 38 étages. La structure extérieure est dotée d’une double façade : la première, en béton armé recouvert de panneaux d’aluminium coloré, est percée de 4 400 fenêtres et la seconde est constituée de plus de 60 000 panneaux de verre, plus ou moins opaques suivant leur emplacement.

Pour la construction et la fonctionnalité de la tour, on pense développement durable avec l’installation de panneaux photovoltaïques, une gestion intelligente de l’eau et la double façade qui fonctionne comme un organisme vivant, grâce aux capteurs installés sur les panneaux de verre. Suivant la température extérieure, les panneaux s’ouvrent ou se ferment soit pour faire circuler l’air, soit le retenir pour former une couche isolante, comme dans une serre. L’idée est de réduire la consommation d’énergie liée à l’utilisation de l’air conditionné ou du chauffage.

Le design signé Jean Nouvel

Chacun a sa petite idée sur la forme de cette tour qui a reçu de nombreux petits surnoms : le « concombre », le « suppositoire »… On en passe et des meilleurs !

Pourtant, Jean Nouvel avait fourni une explication (ou justification ?) sur le design de sa tour qui pour lui n’est « pas une verticale élancée et nerveuse comme les flèches ou les clochers qui généralement ponctuent les villes horizontales. Non, c’est plutôt une masse fluide qui aurait perforé le sol, un geyser à pression permanente et dosée. »

Cette image du geyser se retrouve dans les couleurs arborées par les panneaux d’acier de la façade : au pied de la tour, du rouge et du orange, représentant la force terrestre, le magma. Puis lorsqu’on s’élève progressivement, on trouve des tons verts, bleus et gris, caractérisant la vapeur d’eau.

La forme en elle-même serait directement inspirée de l’œuvre de Gaudí, notamment des pinacles de la Sagrada Familia, avec en plus, une allusion à la forme des monolithes de Montserrat, la montagne sacrée des Catalans.

Le meilleur du design de l’édifice est sans doute à apprécier la nuit, lorsque les 4500 leds se mettent en action pour donner vie à ce geyser ou pour figurer une image en lien avec les événements du moments : en période de Noël par exemple, la tour se transforme en sapin de Noël géant !

Après, le design n’est pas toujours ergonomique et beaucoup de plaintes ont été exprimées concernant la fonctionnalité de l’édifice. L’une des principales met en cause les fenêtres : trop petites pour pouvoir offrir une vue mais suffisamment grande pour laisser entrer le soleil… qui devient un vrai problème car les volets ne ferment pas ! De plus, l’entretien des 60 000 panneaux de verre de la façade extérieure représente un coût colossal pour l’entreprise qui loue l’édifice. La compagnie des Eaux de Barcelone, première occupante des lieux avait souligné ce détail onéreux à maintes reprises.

Des locataires et des propriétaires qui se succèdent dans la tour de Jean Nouvel

Originellement, la tour portait le nom de « Torre Agbar » car son principal locataire était le groupe Agbar, contraction de Aguas de Barcelona, la compagnie des eaux de la capitale catalane. L’entreprise occupe la plupart de l’édifice mais des espaces restent à louer et la crise de 2008 n’aidant pas, ces espaces vides coûtent cher à Agbar qui va très vite exprimer son envie de déménager.

En novembre 2013, la tour est rachetée par le fond andorran Emin Capital pour 150 millions d’euros. L’idée est de transformer le gratte-ciel en un hôtel de luxe de 400 chambres avec en plus, un observatoire au sommet qui pourrait permettre une exploitation touristique. C’est le groupe hôtelier Hyatt qui serait aux commandes, or, la nouvelle mairie de Barcelone vient d’annoncer un moratoire sur la création de nouveaux hôtels. Ce moratoire n’est que le début d’un conflit administratif entre la mairie et Hyatt où le climax sera atteint lorsque le groupe hôtelier menace d’éteindre les lumières de la tour la nuit.

Finalement, la mairie reconnait que le projet avait été lancé avant la décision du moratoire, ce qui fait qu’il ne reste à Hyatt qu’à obtenir la licence hôtelière. Là encore, la mairie va faire trainer les choses et finalement, refuser cette licence. Lassé, Hyatt abandonne le projet, d’autant que Jean Nouvel avait ajouté son grain de sel en stipulant que la meilleure personne pour réaménager la tour de bureaux en configuration d’hôtel , c’était lui !

En janvier 2017, la tour est rachetée par Merlin Properties qui va conserver son usage premier : un immeuble de bureau. Quelques semaines plus tard, Barcelone propose sa tour à l’Agence Européenne du Médicament qui vient de quitter le Royaume-Uni suite au Brexit, mais c’est Amsterdam qui gagne finalement le concours !

Depuis, bonne nouvelle pour la ville, en avril 2018, Facebook a annoncé son intention de s’installer dans 8 étages de la tour, 9 000 m² de bureaux ! Depuis Barcelone, le géant des réseaux sociaux compte lutter activement contre les « fake news » qui se répandent à une vitesse fulgurante sur la célèbre plateforme. Ainsi, l’entreprise promet de créer 500 emplois.

Le reste de la tour devrait être loué à d’autres entreprises et à des startups. Affaire à suivre !

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