[ Skyline de Barcelone ] #2 Les cheminées de Poble Sec

Les cheminées de Poble Sec seront les stars de ce deuxième volet de notre série Skyline de Barcelone, une série dont l’objectif est de faire parler les éléments qui composent la célèbre ligne d’horizon barcelonaise.

Nous vous l’avions annoncé dans notre premier épisode, dédié à la tour Calatrava, dans le deuxième volet, nous allons nous intéresser aux trois cheminées de Poble Sec, au pied de la colline de Montjuïc.

Situées dans le quartier de Poble Sec, ces trois cheminées sont le témoin de la course à l’électricité qui s’est opérée dans toute l’Espagne, dès la fin du XIXe siècle, au moment où l’Europe initiait sa seconde révolution industrielle : de la culture aux transports, des industries aux foyers, l’électricité allait se diffuser dans l’ensemble de la vie quotidienne.

Les trois cheminées appartenaient à une centrale thermique à charbon, installée au bord de l’avenue Paral·lel, dont les activités avaient commencé dès 1881. Les cheminées de la centrale ont poussé l’une après l’autre, au gré de la demande toujours plus importante en électricité : la première est née en 1896, la deuxième en 1908 et la dernière a été construite en 1917. Même si elles n’ont pas été construites en même temps, elles sont toutes identiques et sont aussi hautes que la statue de Colomb au bout de la Rambla.

Au départ, en 1881, c’était le siège de la Sociedad Española de Electricidad. Puis la compagnie a changé de nom et de propriétaire jusqu’à ce qu’en 1911, elle devienne propriété de Frederick S. Pearson, qui venait de fonder la Barcelona Traction, Light and Power Company. L’objectif de l’entreprise, complètement fou pour l’époque, était d’apporter l’électricité dans toute la Catalogne !

Pour ce faire, il fera construire des barrages pour faire tourner les premières centrales hydrauliques dans les Pyrénées Catalanes et s’attachera à développer les transports électriques (train, tramway), en même temps que l’éclairage public et privé. Véritable visionnaire, Pearson veut peu à peu substituer l’énergie thermique, trop dépendante du charbon, par l’hydraulique.

Grève générale sous les cheminées de Poble Sec

À Barcelone, l’usine est plus connue sous le nom de la Canadenca en catalan, ou La Canadiense en castillan, la « Canadienne », du fait des origines des actionnaires, la Canadian Bank Of Commerce. La Canadenca sera la première compagnie électrique d’Europepar son ampleur, et sa renommée va bien au-delà de Barcelone car en 1919, la centrale électrique fait les gros titres de la presse mondiale.

En février 1919, l’entreprise annonce des baisses de salaires pour ses employés. En réaction, 8 d’entre eux se tournent vers un syndicat pour réclamer leurs droits. Ils seront licenciés.

Des vagues de protestations se répéter, chaque fois plus importantes, à tel point que l’ensemble de la ville va être paralysée : l’usine électrique étant arrêtée, les foyers, les industries, les rues, Barcelone se retrouve sans électricité.

70% des industries locales ne peuvent plus faire tourner leurs machines. Parmi elles, les imprimeries des grands quotidiens vont être à l’arrêt : pendant quelques jours, les journaux ne publient rien.

Un appel à la grève générale est lancé et une grande partie des travailleurs des différentes industries vont suivre le mouvement : l’électricité, l’eau, le gaz, les transports publics, le textile rejoignent la cause des ouvriers de la Canadenca. En tout, plus de 3000 travailleurs seront enfermés à Montjuïc ou dans des bateaux amarrés au port de Barcelone. Le 13 mars 1919, le Gouvernement déclare l’état de guerre, l’armée est envoyée, mais rien n’y fait.

Après 44 jours de lutte ouvrière, un accord va finalement être trouvé avec la libération des prisonniers, la réadmission des premiers grévistes, la levée de l’état de guerre et surtout, début avril, un décret va limiter la durée de la journée de travail à 8 heures, une première en Europe.

La centrale est restée en activité jusqu’en 1997.

Aujourd’hui, les trois cheminées adossées aux bureaux de la Red Eléctrica Española rappellent cette histoire des mouvements ouvriers, au moment de la seconde révolution industrielle. Elles sont classées dans le Catalogue du Patrimoine Historique de la ville et font partie des Jardins de les Tres Xemeneies, dans lequel on retrouve des éléments des machines de la centrale et des parois de béton, devenus paradis des graffeurs (rejoignez notre visite Street Art pour en savoir plus) !

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